Illustrateur français, Clément Thoby développe une pratique contemplative où paysages idéalisés et références cinématographiques s’entrelacent avec sensibilité. Son passage en résidence au Livart, à l’été 2025, a été marqué par une remise en question de sa démarche et par une ouverture vers de nouvelles formes.

Parcours

Dès l’adolescence, Clément Thoby se passionne pour le dessin. Il amorce un parcours dans l’animation, se spécialisant en décors, un domaine où l’adaptation stylistique au projet prime. Il collabore à des séries pour adultes et pour enfants, signe la direction artistique d’un clip pour le groupe Mashrou’ Leila, et touche enfin à des longs métrages en animation, notamment le long métrage Le Sommet des dieux. 

C’est pendant la pandémie que son basculement vers l’illustration prend forme. Malgré ses succès en animation, une fatigue grandissante le pousse à reconsidérer ses priorités : “Enchaîner les productions, c’est comme enchaîner les marathons. C’est épuisant, même artistiquement. Mes projets personnels me stimulaient beaucoup plus que mon travail salarié”. Il quitte le monde de l’animation industrielle pour devenir illustrateur indépendant. Cette liberté retrouvée lui permet de renouer avec sa propre voix visuelle : des paysages oniriques, souvent vides de figures humaines, inspirés à la fois par l’impressionnisme européen, les estampes japonaises shin hanga et les décors des films de Miyazaki. Il qualifie aujourd’hui sa pratique de dreamcore, une esthétique douce et idéalisée, évocatrice de souvenirs.

Son processus créatif commence souvent par de longues explorations sur Google Maps, où il capture et réinvente des lieux qu’il n’a parfois jamais visités. Il s’inspire de la lumière, de l’architecture, de la végétation, et compose à l’aide de crayons pastel des images où règnent calme et délicatesse. Depuis peu, la photographie s’ajoute à sa pratique, remettant en question la frontière entre image de référence et œuvre finale.

Invité à Montréal dans le cadre d’une résidence croisée, Clément Thoby s’immerge dans la scène artistique locale avec curiosité. “J’ai vu des œuvres vers lesquelles je ne serais pas allé naturellement. Ça m’a beaucoup remis en question”. Touché par les expositions vues à la Fondation PHI, par les œuvres de Jean Paul Riopelle ou encore du Groupe des Sept, de nouvelles envies créatrices naissent alors : changer d’échelle, s’essayer à la peinture, explorer des formes moins illustratives, peut-être plus conceptuelles. 

Il en repart profondément inspiré, nourri de découvertes inattendues et habité par le désir de faire évoluer son langage visuel sans jamais en figer les contours. Plusieurs projets sont à venir, entre livres, expositions et nouvelles explorations formelles. Fidèle à lui-même, il avance dans une remise en question constante, habité par le désir de faire évoluer son langage visuel sans jamais en figer les contours.

Une résidence portée par la collaboration

Alors que KIBLIND Magazine cherchait un partenaire pour une résidence illustrée internationale, un premier contact s’établit avec le Livart. Ils contactent l’organisme en cherchant un lieu pour faire découvrir leur mission et permettre à un artiste français de venir passer un mois à Montréal pour s’inspirer, chercher, créer et profiter de la scène artistique foisonnante du printemps. Le Livart s’associe donc à KIBLIND du 12 mai au 9 juin 2025, en recevant Clément Thoby, dans une résidence financée par l’Institut Français. La résidence a menée à plusieurs activités : présentation publique du travail de l’artiste, deux ouvertures de studio et une exposition dans son nouveau bâtiment, l’Atelier. Le travail produit de Clément Thoby lors de son séjour au Livart sera présenté au IF – Illustration Festival de Lyon, organisé par KIBLIND Magazine les 27 et 28 septembre 2025.

Depuis 2004, KIBLIND se consacre à l’illustration contemporaine et internationale à travers l’édition de KIBLIND Magazine, un semestriel gratuit et indépendant distribué dans toute la France. Sa création a marqué le commencement d’un projet et d’une histoire dédiés totalement à l’illustration et à sa diffusion en tant qu’art à part entière et en tant qu’art appliqué, pour exprimer une idée, une histoire, une émotion. En 20 ans, il est devenu un objet reconnu et le point de rassemblement d’un réseau d’artistes, de créatif·ves et d’amateur·rices en France et à l’international. Le long de sa route, KIBLIND a aussi diversifié ses activités en ouvrant son agence de communication visuelle, son atelier d’impression et ses boutiques lyonnaises et parisiennes. En 2023, KIBLIND va plus loin en provoquant de nouvelles formes de rencontres : celles de l’illustration et des illustrateur·rices avec un public à travers son festival international d’illustration.

Entretien et rédaction : Khadija Ben Ali

© Crédits photos : Christophe Roberge